La médiation culturelle : un concept en perpétuel mouvement

Née dans les années 90, l’expression « médiation culturelle » désigne l’ensemble des actions visant à sensibiliser chaque individu à l’art et à la culture. Le terme médiation, plus souvent connu dans le domaine juridique, renvoie à une méthode de règlement des conflits. Mais, pourquoi le domaine de la culture aurait-il besoin d’une médiation ? La culture n’est-elle pas accessible à tous ? Pourquoi évoquer la notion de conflit dans le domaine culturel et comment le régler, notamment par le numérique ? Décryptage dans cet article…

 

Qu’est-ce que la médiation culturelle ?

Les musées, lieux d’apprentissage et de découverte du patrimoine, doivent sans cesse s’adapter à une grande diversité de publics. La mise en place d’outils de médiation culturelle, destinés à rapprocher le public d’un site culturel, vise à rendre l’expérience de visite plus dynamique et active. Des textes de salle destinés à informer le visiteur dans les musées, aux spectacles de rue, en passant par la mise en place d’une chasse au trésor pour les plus jeunes, les possibilités de réconcilier ces publics avec la culture sont variées.

Deux visions de la médiation culturelle cohabitent. D’un côté, certains acteurs estiment que cette dernière a pour objectif d’apporter des informations afin de faciliter la compréhension des œuvres d’art. De l’autre, l’idée est d’axer les outils de la médiation culturelle sur les émotions et les ressentis. De notre point de vue, ces deux approches ne souffrent d’aucune incompatibilité, bien au contraire. En effet, il nous semble peu opportun de négliger l’impact positif de l’expérimentation, de l’engagement et des émotions dans la transmission des savoirs. 

Quels sont les rôles du médiateur culturel ?

Le médiateur culturel intervient lors de la rencontre entre la culture et le social. Son objectif est d’établir des liens entre l’objet culturel et les usagers. Que ces derniers se trouvent physiquement dans un espace culturel ou hors les murs, la mission du médiateur est de concevoir et d’organiser des outils adaptés aux caractéristiques intrinsèques de chaque type de public. 

Qu’ils soient historiens de l’art, sociologues ou pédagogues, les médiateurs culturels jonglent avec plusieurs casquettes, qu’ils portent successivement pour :  

• favoriser l’accès à la culture à des individus qui en sont éloignés ;
• faciliter l’appropriation d’un lieu ou d’un objet culturel par les usagers ;
• renforcer la participation citoyenne par la culture ;
• stimuler la sensibilité et l’esprit critique de chaque visiteur devant une œuvre d’art, un spectacle vivant…

La médiation au service de l’inclusion socio-culturelle 

La vocation première de la médiation culturelle est d’enjamber les obstacles freinant l’appropriation culturelle de tout un chacun. Et ces derniers sont nombreux : 

• barrières de la langue ;
• niveau de compréhension différent lié à l’âge ;
• handicaps (moteur, visuel, auditif…) ;
• impossibilité de se rendre au musée (personnes hospitalisées ou détenus) ;
• difficultés d’appropriation des outils numériques (internet, applications mobiles…) ;
• milieux économiques et sociaux multiples.

Dans cette optique, l’idée est de concevoir des outils de médiation capables d’offrir des expériences enrichissantes à tous les publics. C’est là tout le paradoxe de la médiation culturelle : faciliter l’accès à la culture pour tous rend nécessaire le fait de donner des informations différenciées pour chacun. 

Des outils de médiation numériques pour renforcer la « mémoire des sens »

Pour renforcer les liens entre les publics et le patrimoine culturel, il nous semble crucial de rendre les expériences de visite plus attractives et immersives. En effet, l’observation statique d’une œuvre ou d’un espace culturel peut laisser le visiteur dans une forme de passivité. Aussi, les contenus inscrits sur les cartels ou dispensés par les audioguides, bien que nécessaires, possèdent certaines limites. Qui n’est jamais ressorti d’un musée sans avoir la désagréable sensation de s’y être ennuyé ? 

Pour faciliter l’accès à la culture au plus grand nombre, certains espaces culturels se réinventent en plaçant davantage le curseur sur l’expérience des visiteurs. Parmi les solutions, le développement des nouvelles technologies est une piste intéressante à explorer. Ce virage numérique, emprunté par de nombreux musées à travers le monde, peut faciliter la mobilisation de nos 5 sens. Permettre aux visiteurs de toucher, voir, entendre, goûter et sentir constitue pour un espace culturel une excellente opportunité d’activer une mémoire des plus puissantes : la mémoire perceptive.

Quelques exemples d’outils innovants de médiation culturelle numérique

Conscients des possibilités offertes par l’innovation numérique, de nombreux espaces culturels à travers le monde ont redoublé d’ingéniosité pour proposer de nouveaux outils de médiation culturelle. En voici quelques exemples marquants : 

• Les visites virtuelles du Louvre Lens grâce au robot Uby
• Le parcours sonore immersif du château de Vaux-le-Vicomte à Maincy
• La visite de l’Hôtel de la Marine grâce au Confident, un casque connecté utilisant la technologie du son binaural
• Les hologrammes interactifs du musée de l’illusion à Madrid 
• Les films 4D immersifs de la Cité du Volcan sur l’Île de la Réunion
• Les escapes games du musée Henri Dupuis de Saint-Omer, du Mucem de Marseille ou du Rijksmuseum d’Amsterdam
• « Sounds of Silence » et son expérience audio immersive autour du silence à Berne 
• Les applications mobiles comme l’American Museum of Natural History à New York

La médiation culturelle par le son au château de Vaux-le-Vicomte 

Situé à Maincy (à 1 heure de Paris), le château de Vaux-le-Vicomte propose de plonger ses visiteurs dans un univers sonore en trois dimensions. Équipé d’un casque, petits et grands sont enveloppés par une narration innovante qui les invite à s’immerger dans des événements historiques comme s’ils y étaient. De la mort de Mazarin au complot organisé par Colbert et Louis XIV contre Fouquet, l’auditeur fait partie intégrante de la scène. 

Côté technique, des balises sont intégrées aux parcours de visites, de sorte que les scènes se déclenchent de manière naturelle et rythmée dans les oreilles de chacun. De plus, afin de s’adapter au niveau de compréhension de chaque public, le château propose deux parcours immersifs :

• Le parcours adulte traitant de l’affaire Fouquet, cet homme d’État arrêté et emprisonné à vie pour malversations. 
• Le parcours jeunesse « La fabuleuse histoire de Vaux », où les enfants sont guidés, en fonction de leur âge, par Jean de La Fontaine et Panache, l’écureuil imaginaire du château. 

Kinect, robot Uby : la médiation numérique réussie du Louvre Lens 

Le Louvre Lens a, dès ses débuts en 2012, saisi l’importance de la médiation numérique. Parmi les nombreux outils de médiation numérique proposés, le dispositif culturel « Gestuelle 3D » accompagne le visiteur dans la découverte d’une dizaine d’oeuvres égyptiennes. Exit les nécessaires mais frustrants cartels « ne pas toucher » à proximité des œuvres d’art : le visiteur est libre de manipuler les œuvres (virtuellement bien sûr) grâce à un capteur de mouvement : le Kinect. 

Encore plus fort, le robot Uby, conçu en partenariat avec la fondation Orange, propose des visites 100 % virtuelles. Après une courte explication sur le fonctionnement du robot, les visiteurs à distance sont invités à suivre le médiateur culturel à travers le musée, ou à prendre la liberté de le semer en dirigeant eux-mêmes Uby pour découvrir des œuvres qui attirent leur attention.

L’expérience, à la fois ludique et inclusive, a un double intérêt : 

• créer des nouvelles expériences de visites pour tous, y compris pour des personnes ayant l’impossibilité de se rendre dans un lieu culturel
• inciter des individus peu attirés par l’art à se rendre au musée 

Son binaural et médiation numérique : un voyage dans le temps à portée d’oreilles